mardi 16 octobre 2012

Combat intérieur

Je suppose qu'on est jamais totalement cohérent avec soi-même. Je suppose qu'on est tous un peu multiples. Je suppose qu'on ne peut pas toujours être en accord avec toutes nos personnalités.

Hier, j'étais la fille qui voulait faire du sport et qui s'offrait enfin une tenue adéquate. Hier, j'étais heureuse de franchir le pas. Une paire de baskets, un pantalon de training et un top. Hier, j'imaginais déjà le moment du premier footing, le coeur en fête.

Mais hier, j'étais aussi la fille qui a des convictions sociales et politiques.

Cabine d'essayage, direct-sport, city II, rue Neuve, Bruxelles. Après m'être fait malmenée par un vendeur un peu stressé (aucun grief contre lui, il fait ce qu'il peut), je me retrouve dans cette cabine, à sautiller dans tous les sens pour constater l'aspect pratique de ma nouvelle tenue. Le talky walky de la préposée aux cabines est allumé à pleine puissance. J'entends le manager (peut-on encore parler de manager ou faut-il parler de commandant en chef ?) donner les bons et les mauvais points à ses employés. Déjà, ça m'horripile. "Laetitia, tu es à 19%, faut essayer de mieux faire ! Ahmed, Nour et Karinne aussi, allez, on se donne un coup de boost là, 19% il me semble que vous pouvez faire mieux. Bon, Maxime, Bilal et Nourdine vous êtes à 25, 32 et 36%, c'est bien continuez comme ça. Bravo Nourdine, tu as le meilleur score. Laura, toi, je préfère même pas te donner ton pourcentage parce que ça m'énerve... qu'est-ce que tu fais, là ?!"

Je suis dans ma cabine d'essayage et j'ai le coeur un peu moins en fête.

Ça ne va pas en s'arrangeant.

Le talky walky continue à déblatérer ses horreurs en provenance directe d'un monde consumériste et sans valeur. "Dis-moi Jérémy, il est arrivé à quelle heure ton stagiaire ? Parce que là je comprends rien, par rapport à son pointage, on dirait qu'il est parti en pause à 11h et qu'il est jamais revenu, je comprends pas... Tu m'assures qu'il est bien arrivé à 10h ? Bon, c'est bon pour moi alors... Le problème est réglé. Attends... je vois qu'il a pointé à 9h43... Rappelle-lui qu'on passe à la machine à pointer APRES le briefing matinal ! Ça m'étonnerait qu'il ait commencé à travailler à 9h43 ! Donc, tu lui passes le message, c'est ok ?"

Il y a la fille qui a des convictions politiques qui a envie de laisser ses affaires et de partir.
Il y a la fille qui a envie de faire du sport, contente d'avoir enfin franchi le pas, qui veut payer ses articles.

Hier, j'ai été cette deuxième... Et je n'en suis pas fière. Je me console en me disant que je n'y mettrai plus les pieds et même si je me connais assez pour savoir que c'est vrai, c'est bien peu de chose.

Je refuse de dire que "c'est partout pareil" et que mon boycott ne changera rien à l'affaire. Bien sûr, je pourrais compter sur les doigts d'une main les endroits où faire mes courses (et c'est ce que je fais déjà) que ça ne changera pas la face du monde. Pas si je suis toute seule, c'est sûr. N'empêche que... Il y a la fille qui a une conscience politique et qui n'a pas envie de la noircir trop et trop souvent pour une bête paire de baskets. Cette fille-là, si je ne l'écoute pas de temps en temps, j'ai plus qu'à dire qu'elle n'existe pas, que le monde autour d'elle aura été plus fort. Tant pis si je fais figure de pauvre fille naïve et mal dans son monde. Tant pis.

4 commentaires:

  1. Je te comprends, difficile parfois d'arriver à concilier conviction politique et éthique avec les besoins de la vie quotidien. Mais il ne faut pas que cela ternisse ta bonne humeur. Le principal c'est de faire de ton mieux en toutes circonstances, et je pense que de ce coté là tu es championne.

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  2. Merci pour ce gentil commentaire :-)

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  3. Continue comme ça ! Ne ratons pas une occasion de les dénoncer... (Et ton point de vue personnel sensible évite de verser dans la moralisation, l'émotion n'en passe que mieux, je te reconnais bien là)

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